Sunday, December 9, 2012

Ulcos, le dernier mirage pour Florange s’évapore

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Nouveau pied de nez de Mittal au gouvernement français : Arcelor Mittal a retiré hier son dossier de candidature au financement européen pour le projet Ulcos. Projet qui, jusqu’ici, était présenté par Jean-Marc Ayrault comme l’ultime planche de salut des hauts-fourneaux de Florange. Le géant de l’acier le jure pourtant : "Matignon était parfaitement au courant de nos intentions. Dès la signature de l’accord, vendredi 30 novembre, nous l’avons prévenu."

Mais le Premier ministre a préféré jouer sur les mots : si Ulcos 1 est bel et bien enterré, c’est pour préparer Ulcos 2 ! ArcelorMittal le promet : "Le retrait de notre candidature, conjointe avec Matignon, ne veut pas dire que nous abandonnons. Nous ne sommes pas prêts. Jean-Marc Ayrault le savait. Et nous allons continuer les recherches pour Ulcos 2."

On a du mal à y croire. D’abord parce que le groupe se refuse à donner le moindre horizon de temps auquel Ulcos 2 pourrait émerger. Ensuite parce qu’il ne s’engage sur aucun montant d’investissement pour lever les "problèmes techniques" auxquels se heurte encore le projet.

Des freins pas seulement d'ordre technique 

Et s’il n’y avait que des problèmes techniques… Jean-Louis Beffa, l’ancien patron de Saint-Gobain, a d’ailleurs mis les pieds dans le plat en juin : "Ulcos ne va pas créer d’emplois, ni de métiers nouveaux. Ce n’est pas la meilleure utilisation que l’on puisse faire de l’argent public?!" C’était devant le conseil économique, social et environnemental de Lorraine, selon Le Républicain lorrain.

Le projet Ulcos – pour Ultra-Low Carbon Dioxide Steelmaking – était déjà brandi comme une garantie d’avenir pour les hauts-fourneaux de Florange : un projet européen, lancé dès 2002, pour tenter de fabriquer de l’acier en dégageant deux fois moins de dioxyde de carbone (CO2). En captant et en stockant en sous-sol le CO2 dégagé par les hauts-fourneaux. Mais les questions que ce projet pose font craindre un nouveau miroir aux alouettes pour Florange.

Premier problème : le financement de 600 à 650 millions d’euros. Outre le montant exorbitant – "l’équivalent de deux centrales photovoltaïques des plus modernes", s’étranglait Jean-Louis Beffa –, le budget n’est même pas bouclé. La Commission européenne n’a pas statué sur son niveau d’engagement (300 millions au maximum), si tant est qu’elle souhaiterait s’engager. Et si le gouvernement français assuré un investissement public et local de 180 millions, manqueront encore de 120 à 170 millions que devra libérer… ArcelorMittal. Pour l’heure, le groupe a simplement promis de se pencher sur le sujet.

Florange ne serait au final qu'un "show room" pour cette innovation

Deuxième question : la sidérurgie est-elle la meilleure industrie pour tester cette technique?? Un rapport de McKinsey certifie que non. Ne serait-ce que parce que les hauts-fourneaux dégagent du CO2 et du CO mélangés qu’il faut séparer. Un consultant confirme : "Ce serait nettement plus simple sur des centrales électriques qui n’exhalent que du CO2." Par ailleurs, Florange est si étendu que pour rentabiliser une telle opération il faudrait vendre la tonne de CO2 capté 50 euros. Elle ne vaut aujourd’hui que 7 euros…

Troisième sujet : cela sauvera-t-il les hauts-fourneaux de Florange?? "C’est une simple expérimentation, rappelle un ancien dirigeant d’Arcelor déniaisé. On fera de Florange un showroom de cette nouvelle technique, mais cela ne rendra pas les hauts-fourneaux plus productifs?!" En effet, si l’expérimentation s’avérait convaincante, la technique serait alors déployée sur l’ensemble des hauts-fourneaux européens, et Florange serait à nouveau reléguée au rang d’installation non rentable.

Guy Dollé, l’ancien PDG d’Arcelor, à l’initiative du projet Ulcos, en convient : "Cela fera gagner deux ans au maximum aux hauts-fourneaux de Florange." Et Jean-Louis Beffa de conclure : "Il faudra bien qu’un jour la Lorraine se projette sur les industries du futur, plutôt que d’en rester à la défense de son patrimoine".