Thursday, December 13, 2012

Conflits d’intérêts : Transparency International s’inquiète du silence de l’Assemblée

Statut pénal du chef de l’Etat, limitation du cumul des mandats, et modernisation de la vie publique française, le rapport Jospin remis ce 9 novembre 2012 aura fait couler de l’encre, un peu, quelques jours, et puis il s’en est allé retrouver ses prédécesseurs  :

Le rapport Jospin sur «  la rénovation et la déontologie de la vie publique  » comportait un chapitre prometteur sur la prévention des conflits d’intérêts, très peu commentée par la classe politique.

Un silence dont s’inquiète Daniel Lebègue, cet ancien haut fonctionnaire, devenu président de l’association anti-corruption Transparency International France (TIF). Dans une tribune publiée ce 27 novembre, il regrette que «  rien – ou presque – n’ait été dit sur la prévention des conflits d’intérêts. Pourtant, le rapport formule un ensemble de propositions ambitieuses.  »

Il met en avant parmi les mesures proposées  :

« La publication de déclarations d’intérêts, un renforcement des incompatibilités pour les ministres et les parlementaires et la création d’une autorité indépendante chargée du contrôle et du développement des bonnes pratiques déontologiques.  »

Après de nombreux scandales impliquant de graves conflits d’intérêts (amiante, Médiator), les organes d’évaluation sanitaire ont réalisé un effort de prévention (obligation de déclaration personnelle d’intérêts, PDF) contre ces situations nuisibles à la transparence de la décision publique. Désormais, le débat sur la déontologie de la vie publique se porte d’avantage sur l’encadrement et l’incompatibilité de certaines pratiques avec les fonctions parlementaires.

Lors d’un colloque organisé le 25 octobre 2012 à l’Assemblée et intitulé «  Moralisation : quelle contribution peut apporter le Parlement ?  », Transparency France a invité Martin Hirsch à illustrer sa position contre les conflits d’intérêts au sein du parlement. L’ancien ministre a dénoncé sans ambages les règles «  absurdes  » de l’Assemblée  :

« Un parlementaire ne peut pas être maître de conférence à l’Université mais il peut donner des consultations d’avocat à des entreprises privées, sans avoir à divulguer le nom de ses clients. »

Une dénonciation qui ravive une vieille querelle entre Martin Hirsch et Jean-François Copé, qui cumulait jusqu’en novembre 2010 ses fonctions politiques avec un statut d’avocat chez le cabinet d’affaires Gide Loyrette Nouel, représentant de compagnies françaises et internationales. Un poste qui rapportait à M. Copé 200 000 euros d’honoraires par an, selon Capital.

L’Assemblée élue en juin 2012 compte toujours 38 avocats. En terme de représentativité professionnelle, ce sont les élus issus de la fonction publique qui tiennent le haut du tableau avec une majorité de 53% à l’Assemblée nationale d’après une note [PDF] du Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof).

Depuis plus de vingt ans, la modernisation de la vie publique et le besoin de renforcement de la transparence et de la déontologie sont au cœur du débat institutionnel français. Le vide juridique entourant la définition, la prévention et la sanction des conflits d’intérêts reste une constante de l’horizon politique national. Un laisser-faire qui maintient nos institutions dans une opacité des plus archaïques et dont les conséquences peuvent parfois conduire aux pires tragédies.

Ce manque de volonté politique n’est pas sans rappeler le débat parallèle sur le non-cumul des mandats également abordé par la Commission Jospin. En France, 82% des députés et 77% des sénateurs sont en situation de cumul. Une situation sans commune mesure en Europe où les cumulards représentent 3% au Royaume-Uni, 7% en Italie, 20% en Espagne, 24% en Allemagne d’après l’Ifrap. Dans une tribune publiée le 14 novembre 2012 sur Médiapart, trois députées PS estimaient que

« la représentation nationale n’est peut-être pas, étant juge et partie, la mieux à même de se prononcer sur une réforme la concernant ».

Pour Daniel Lebègue de Transparency International, il ne fait aucun doute que si les propositions du rapport Jospin venaient à être adoptées, en particulier celle sur la prévention des conflits d’intérêts, «  nous ferions, comme l’ont fait d’autres grandes démocraties, un pas de géant sur le chemin de la moralisation de la vie publique.  »

Il appelle de ses vœux à «  vaincre les résistances au changement  » pour mettre en place une réforme «  urgente  » afin de «  répondre à la crise de confiance des Français » et mettre un terme aux conflits d’intérêts les plus graves.