Tuesday, December 11, 2012

NKM en guerre contre les « scènes de décapitation échangées dans les cours de récréation »

Nathalie Kosciusko-Morizet, à la fête de l’UMP Haute-Savoie, le 15 septembre 2012 (FAYOLLE PASCAL/SIPA)

Certains députés de droite, encouragés par Nathalie Kosciusko-Morizet, n’ont vraiment pas envie de lâcher l’affaire sur les sites internet « qui provoquent au terrorisme ».

Ils sont 64 à avoir déposé à cette fin un amendement au projet de loi antiterroriste débattu à l’Assemblée nationale ce mardi après son adoption par le Sénat.

L’amendement vise à punir la consultation de sites faisant l’apologie du terrorisme « lorsqu’ils comportent des images montrant [...] des atteintes volontaires à la vie ».

Tarif : deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Seraient exemptés de poursuites les enquêteurs de police, chercheurs et journalistes.

L’idée de renforcer la législation antiterroriste date du gouvernement précédent, au lendemain de l’affaire Merah. Manuel Valls a poursuivi l’œuvre de son prédécesseur, afin de :

pénaliser les Français qui se rendraient à l’étranger pour se former au jihad ; pérenniser la surveillance administrative des données de connexion (Internet, géolocalisation, factures détaillées de téléphone), à but préventif.

Le « volet Internet » du projet de loi initial, qui prévoyait la possibilité de poursuivre ceux qui consulteraient régulièrement des sites faisant l’apologie du terrorisme a été abandonné par le gouvernement socialiste.

Les parlementaires de droite favorables à la création de ce nouveau délit tentent de l’imposer malgré tout. Même si les sénateurs UMP avaient échoué lors du vote du projet de loi, leurs homologues de l’Assemblée nationale insistent.

Nathalie Kosciusko-Morizet, fer de lance de cette disposition, avait annoncé dans Le Monde sa volonté de déposer un amendement. Elle l’a fait, mais son initiative a été rejetée en commission.

Le débat n’est pourtant pas clos, comme le montre le dépôt de ce nouvel amendement, qui resserre la question sur les contenus vidéo.

Lors de la discussion en commission des Lois, Nathalie Kosciusko-Morizet avait usé d’un exemple inattendu, celui d’une « de [ses] employées de mairie [NKM est maire de Longjumeau (Esssonne), ndlr] », « mariée pendant vingt ans à un homme qui s’est engagé dans un processus de radicalisation » :

« Elle a quatre fils, parmi lesquels les deux aînés, engagés dans le même processus, sont manifestement surveillés ; quant au troisième, il a 15 ans et subit l’influence de ses frères, qui vivent avec le père et lui donnent des adresses de sites internet montrant des scènes de décapitation, par des hommes munis de grands sabres noirs, sur fond de musique obsessionnelle.

Il consulte donc ces sites de manière habituelle et répétée. On peut toujours dire qu’il est mieux de le surveiller en attendant qu’il en fasse plus, mais le fait est qu’il est aujourd’hui en danger, et que l’on ne peut rien faire.

Vos arguments s’appliquent surtout à des jeunes d’une vingtaine d’années engagés dans un processus de radicalisation ; mais ces vidéos de décapitation s’échangent dans les cours de collège. »

C’est donc par le terrible exemple du fils de son employée de mairie que Nathalie Kosciusko-Morizet en est arrivée à cette conclusion : « Ces vidéos de décapitation s’échangent dans les cours de collège. »

Souvent ? NKM connaît-elle d’autres cas d’adolescents visionnant allégrement des têtes coupées au grand sabre noir ? A-t-elle des statistiques sur ce phénomène ? Non. Et les éventuels ados concernés se transforment-ils en jihadistes ?

En quelques semaines, on est passés des grands principes sur les sites faisant l’apologie du terrorisme à l’exemple médiocre d’un gamin qui montrerait une vidéo à un autre sur son portable.

Marie-Françoise Bechtel, rapporteuse du projet de loi, proposait alors à la député de l’Essonne de « plutôt poursuivre ceux qui mettent les vidéos en ligne ». Mais, lui opposait NKM, « les sites étant basés à l’étranger, il est difficile d’obtenir leur fermeture ou même leur blocage ». Elle insistait :

« Quoi qu’il en soit, la consultation habituelle de scènes de décapitation n’est pas un comportement normal : trouvons un moyen pour l’écrire dans la loi ! [...] Ces vidéos ignobles, je le répète, sont téléchargées en toute impunité et échangées dans les cours de récréation. [...]

La notion clé, pour éviter une annulation par le Conseil constitutionnel, est celle de proportionnalité entre les atteintes aux droits et libertés et les objectifs poursuivis. »

De guerre lasse, Manuel Valls se disait alors « personnellement disposé à envisager toute solution juridiquement acceptable, telle qu’une mesure provisoire faisant l’objet d’une évaluation, d’ici à l’examen en séance ».

Au-delà de l’opportunité de légiférer sur les vidéos de décapitation, plusieurs points restent encore en suspens :

Quel est le seuil de « consultation habituelle » de telles vidéos qui déclenchera les poursuites ? Comment bien cerner qui sera autorisé à les regarder ? Une liste noire de sites « faisant l’apologie du terrorisme » et pouvant être bloqués par voie administrative verra-t-elle quand même le jour, comme le proposent des députés dans un autre amendement ?