Tuesday, December 11, 2012

Le mölkky, ce drôle de sport dont la France est championne du monde

Oubliez la pétanque et mettez-vous au mölkky. Ce sport pas encore très connu est un drôle de jeu de quilles né en 1996 à Lathi, dans le sud de la Finlande.

Les règles sont simples :

faire tomber des quilles numérotées de 1 à 12, disposées au départ les unes contre les autres, à l’aide d’un rondin appelé « mölkky » (prononcez « meulku ») ; lorsqu’une seule quille est renversée, le nombre de points marqués correspond au numéro de la quille ; quand plusieurs d’entre elles chutent, le joueur engrange autant de points que le nombre de quilles tombées ; au fur et à mesure de la partie, les quilles sont redressées à l’endroit où elles se trouvent avant de passer au joueur suivant ; pour gagner, il faut atteindre précisément 50 points. Ni plus, ni moins. Si un joueur dépasse ce score, il repasse à 25.

Surtout connue pour ses milliers de lacs et son climat polaire, la Finlande a aussi une passion pour les activités loufoques et son sens du jeu. Jaakko Lenni-Taattola, 31 ans, s’est mis au mölkky en 2003 dans sa ville de Tampere, au nord d’Helsinki :

« Ici, nous avons beaucoup d’humour. L’une des qualités que j’apprécie le plus chez les Finlandais est de savoir ne pas se prendre la tête. »

Dans son pays, le jeu « est avant tout un passe-temps rigolo, facile à fabriquer et à jouer, que l’on retrouve souvent dans les maisons d’été (“mökki”) au bord des lacs ».

Le terme « mölkky » vient de la combinaison de « mökki » et de « pölkky », qui désigne un morceau de bois.

« On y joue entre amis en buvant des bières pour s’amuser et profiter de la nature. »

D’ailleurs, dans le jargon, un « mölkvisti » est quelqu’un qui joue trop sérieusement. Encore un néologisme, dérivé de « mulkvisti », qui signifie « connard » en finnois…

Marque déposée par Tuoterengas, une entreprise d’insertion professionnelle et d’accompagnement social, le jeu est uniquement fabriqué en Finlande.

« On est loin de la société avide de conquérir le monde », sourit Michaël Hezard, 37 ans et président du Bâton Mouche, l’association de mölkky de Paris.

Michaël Hezard dans la cour du Palais Royal à Paris début novembre 2012 (Mathieu Perrichet/Rue89)

La France est la deuxième patrie du mölkky.

Débarqué au début des années 2000, le jeu reste confidentiel jusqu’à la création de la première association, en 2006 à Nantes, sous la houlette de Christohe Saiget, 38 ans :

« J’ai découvert le mölkky en 2004 grâce aux jeunes d’une maison de quartier vendéenne, partis en Finlande participer à un chantier. Le jeu m’a tout de suite plu et j’y ai vu un vrai potentiel.

L’idée de monter une association m’est alors vite parue évidente afin de le développer. »

Même processus chez Michaël Hezard, qui, à force de « voir des gens venir nous questionner », a fini par monter une association pour donner « un petit côté officiel » à leur jeu de copains.

Aujourd’hui, la France en compte une vingtaine. Pourquoi un tel engouement ? Fabian Schöman,vice-président de l’association de Caen et nouvel adhérent de la Mölkky Association à Rennes, a son idée :

« Ludique, simple, accessible, amusant, intergénérationnel. »

Christophe Saiget sur les pavés nantais début novembre 2012 (Mathieu Perrichet/Rue89)

Il raconte être devenu accro après qu’un ami, parti quelques jours en Finlande, lui a fait découvrir le mölkky en août 2003.

« Je pense que si ce jeu plaît autant aux Français, c’est essentiellement dû à sa proximité avec la pétanque : mêmes gestes, même adresse. Et de nombreux terrains sont à disposition. En même temps, on peut y jouer sur presque toutes les surfaces. »

Michaël Hezard estime quant à lui qu’il « suffit que des associations se créent et soient actives pour que le mölkky se développe n’importe où », prenant pour exemple la Belgique et l’Allemagne où le jeu est aussi en plein essor.

En France, « on dénombre environ 800 joueurs assidus rattachés à des associations. Mais, selon des chiffres officieux, il y aurait aux alentours de 70 000 joueurs », estime Fabian Schöman.

Avec un tiers de femmes environ et un cœur de cible entre 25 et 45 ans mais des joueurs allant de 7 à 97 ans.

Le mölkky est de plus en plus accessible : jusqu’en 2010, « il fallait passer par le fabricant ou s’en fabriquer soi-même », explique Christophe Saiget. Mais les grandes enseignes de sport et de jeux le commerciallisent maintenant autour de 35 euros. Selon les chiffres de Tuoterengas, il se vend entre 20 et 30 000 jeux en France chaque année.

Florent, étudiant en ressources humaines, l’a découvert en 2010. Deux ans après, il s’en est acheté un et organise des parties presque tous les week-end.

« C’est marrant car à chaque fois qu’on joue, quel que soit l’endroit, les gens sont curieux, veulent savoir ce que c’est. »

Michaël Hezard a organisé le premier championnat de France de mölkky en 2009. Trois ans plus tard, à Bordeaux, la compétition comptait environ 500 participants.

Mais le grand barnum annuel a lieu mi-août à Lahti, chaque année. C’est là-bas, sur ses terres d’origine, que les championnats du monde sont organisés.

La France, qui y participe depuis quatre ans, s’est ainsi frottée l’été dernier à huit autres nations. Et elle a ravi à la Finlande la couronne qu’elle détenait depuis quatorze ans.

Début 2013, une Fédération française de mölkky doit voir le jour. Fabien Schöman :

« Pour établir de véritables bases, et obtenir un titre officiel et une reconnaissance vis-à-vis de la fédération internationale. »

Néanmoins, pas question « de poser des limites et des contraintes. Le mölkky doit rester un jeu », tempère Michaël Hezard.