Tuesday, December 11, 2012

« #ChereCarlaBruni » : Twitter explique le féminisme à Carla Bruni

Carla Bruni-Sarkozy, à Beaune (Côte-d’Or), le 18 novembre 2012 (Alain Robert/APERCU/SIPA)

D’un coup d’un seul, on la revoit, on l’entend de nouveau. Normal, son nouvel album sort le 3 décembre. Alors, un peu partout, on lit des choses sur Carla Bruni. Son interview à Vogue n’est pas passée inaperçue. Elle y parle de choses follement passionnantes comme :

ce scoop de fou sur son prochain album. Elle y chantera « Douce France » en italien (wouhou) ; le fait qu’elle « aime les hommes très séduisants » ; des détails (dont on se serait bien passé) sur sa rencontre avec Nicolas Sarkozy.

« Quand je l’ai vu, j’ai vu sa peau, j’ai vu ses mains, j’ai vu comment il bougeait, j’ai vu sa manière de parler et j’ai été attirée par lui tout de suite. »

(Au secours.)

La une de Vogue, à paraître le 3 décembre 2012 (Vogue.fr)

L’ex-Première dame s’est aussi, dans cette interview, dite favorable au mariage pour tous :

« Je ne vois rien d’instable ou de perverti dans les familles homoparentales. »

Mais ce qui fait réagir sur Twitter, c’est cette citation :

« Dans ma génération, on n’a pas besoin d’être féministe. Il y a des pionnières qui ont ouvert la brèche. Je ne suis pas du tout militante féministe. En revanche, je suis bourgeoise. »

Les « twittos » et « twittas » féministes ne se gênent pas depuis pour railler Carla Bruni et lui expliquer la vie.

Les « tweets » commencent tous par le même « hashtag » (mot-clé qui permet de rassembler tous ces tweets) : #ChereCarlaBruni. Et c’est un festival de mots pour décrire en creux les sexismes banalisés. Résumé en dix tweets. On aura besoin de féminisme tant que...

@LindaRamoul rappelle, avec humour, que les femmes sont payées 27% de moins que les hommes.

Sénatrice, @laurossignol, ne se sent pas très prise au sérieux quand on lui demande si elle est « l’assistante du sénateur ».

Au moment de l’appel des 313 femmes qui déclarent avoir été violées, du débat sur ce tabou, sur le silence des victimes, @Jadefeminist estime qu’on a encore pas mal besoin de féminisme.

Parce qu’être une femme, c’est aussi être censé se contenter béatement de magazines qui donnent des conseils stupides et intrusifs, @LaPeste, (Gaëlle-Marie Zimmerman dans la vraie vie), journaliste et chroniqueuse au Plus, revient sur le fabuleux article d’Elle : « La fellation, le ciment du couple ? »

Parce qu’aujourd’hui encore, « camionneur », c’est un métier d’hommes, et que « sage-femme » c’est un métier de femmes, @MaggiAnT parle de son fils qu’on moque parce qu’il veut accoucher des bébés.

Corinne Lepage (@corinnelepage) parle, elle, de la Banque centrale européenne (BCE), monde exclusivement testiculaire.

On vous en avait parlé, Caroline de Haas (@carolinedehaas sur Twitter) fondatrice d’Osez le féminisme, actuellement au ministère des Droits des femmes, se souvient des bodys sexistes de Petit Bateau.

Parce qu’encore aujourd’hui, les femmes exécutent 80% des tâches ménagères, @Maman_Travaille trouve que le féminisme a de beaux jours devant lui.

Qu’on les réduise à une paire de fesses ou de seins, les femmes ont encore le privilège, en 2012, de s’entendre conseiller « mets un décolleté » avant un entretien, remarque @LArbre_ .

Et puis, parce que s’il est encore nécessaire de répéter toutes ces évidences, c’est bien que dans la génération de Carla Bruni aussi, on a besoin de féminisme, résume @JocelyneRobert.

« #ChèreCarlaBruni, on aura besoin du féminisme tant qu’il faudra écrire à #ChèreCarlaBruni... »

La journée aux milliers de tweets moqueurs et agacés s’achève sur une réaction de l’ex première dame.

Interviewée au téléphone par le magazine Elle, Carla Bruni est revenue sur ses propos. Elle dit « tout à fait » comprendre que ses affirmations aient pu choquer et ajoute :

« Cette phrase est très maladroite et traduit mal ma pensée. Elle aurait dû être rédigée ainsi : “Je n’ai personnellement jamais ressenti le besoin d’être activiste féministe”. »

Et quand Elle lui dit qu’être « féministe c’est vouloir l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est assumer son autonomie, sa liberté, ses choix », puis lui demande si au fond, elle n’est pas féministe, Carla Bruni, répond (déconcertante) :

« J’imagine que je le suis si être féministe c’est revendiquer la liberté. Mais je ne le suis pas si cela veut dire être engagée de façon active dans le combat que certaines mènent encore aujourd’hui. J’admire beaucoup leur courage mais j’ai choisi de m’engager ailleurs. »