Thursday, December 13, 2012

Censure : RSF veut dissuader en publiant les contenus interdits

« Nous combattons la censure » : comme un mantra qu’on répète pour démontrer sa détermination à l’adversaire. « We fight censorship », c’est le nom d’un nouveau site lancé par Reporters sans frontières (RSF). Un nouvel outil au service de la liberté d’information.

En ligne depuis ce mardi matin, We fight censorhip est conçu comme une arme de dissuasion. Il publiera en effet des contenus interdits, censurés ou qui ont valu des représailles à leurs auteurs. Christophe Deloire, directeur général de RSF :

« Si vous êtes un pouvoir, d’Etat ou sous une autre forme, et que vous voulez empêcher la diffusion d’une information, on fera en sorte, précisément grâce à la publication de cette information et aux relais qu’elle recevra, de lui donner un écho encore plus grand, qui devrait vous dissuader d’exercer la censure. »

Cette dissuasion repose sur deux piliers : la diffusion massive de l’information par des « sites miroirs » et « l’effet Streisand ».

Grégoire Pouget, chef de projet à RSF, explique que « le site a été taillé pour être copié » :

« Bloquer un site, c’est très simple. Par contre, en bloquer dix, quinze ou vingt, c’est beaucoup plus compliqué. L’idée, c’est que n’importe qui puisse créer une copie du site, pour que l’information soit diffusée par capillarité.

Un site sera peut-être bloqué, mais entre le moment où l’information est diffusée et le moment où elle atteint des autorités qui veulent la censurer, le message est passé. Et l’information est toujours présente ailleurs. »

Un tutoriel est accessible sur le site, afin que chaque « Netcitoyen » puisse, lui aussi, « combattre la censure ». RSF fournira aux internautes qui le désirent les scripts permettant de dupliquer le site, dont les failles ont été testées par un groupe de hackers. Le recours à des sites miroirs pour limiter les possibilités d’attaques n’est pas nouveau. Grégoire Pouget :

« Ce qui est nouveau, par contre, c’est qu’une ONG connue comme RSF utilise ce moyen. »

La pratique fait immanquablement penser à WikiLeaks. Mais RSF assure que leur démarche ne lui ressemble en rien : tous les contenus publiés seront choisis par un comité éditorial, après des recherches sur les informations et leurs auteurs grâce à un réseau de 150 correspondants dans 130 pays, et accompagnés d’un texte de contextualisation. Aucun « document brut » ne sera mis en ligne.

En revanche, We fight censorship diffusera des contenus jamais publiés ailleurs.

L’intégralité de la conférence de presse de présentation de wefightcensorship.org

Interventions en vidéoconférence de journalistes, dessinateurs de presse et blogueurs étrangers victimes de censure

C’est le principal espoir que Reporters sans frontières place dans ce projet : plus on cherche à dissimuler une information, plus les internautes veulent y avoir accès. La censure entraînerait donc, malgré elle, la propagation des informations « indésirables ».

Le phénomène porte le nom de la chanteuse américaine Barbra Streisand. En 2003, celle-ci avait attaqué le site Pictopia.com, qui avait publié une photo aérienne de son domicile. Les internautes s’étaient alors massivement rendus sur le site : 420 000 visites en un mois.

Pour Chistophe Deloire, l’objectif ultime de RSF est de rendre la censure « caduque » :

« On cherche à rompre l’équilibre selon lequel Internet est à la fois un formidable outil de libération et un redoutable outil de contrôle. Il est nécessaire que l’aspect libération l’emporte. »

Il est également possible de proposer, pour publication sur la plateforme, ses propres contenus, de manière anonyme et sécurisée. Avec ce projet, RSF est par ailleurs dans « une logique pédagogique » : un « kit de survie numérique » est disponible, où il est question de VPN (réseau privé virtuel), de confidentialité des e-mails et de cryptage de fichiers.

Lucie Morillon, directrice de la recherche et des nouveaux médias chez RSF :

« Nous avons l’intention d’en faire un site porté par les internautes, qui pourront dupliquer le site, diffuser l’information sur les réseaux sociaux, proposer la traduction de contenus dans des langues rares... »

Reporters sans frontières rappelle que 155 journalistes et 130 Netcitoyens sont en détention dans le monde. Dans son dernier classement de la liberté de la presse, l’Erythrée, la Corée du Nord et le Turkménistan étaient bons derniers. la France, elle, occupe la 38e place.